LE VIOLENTOMÈTRE : UN OUTIL POUR PRÉVENIR LES VIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE ET PROTÉGER LES APPRENANTES ET APPRENANTS


Les violences basées sur le genre, en particulier en milieu scolaire, peuvent être invisibilisées, minimisées, voire normalisées. Pourtant, leur impact sur les trajectoires éducatives et personnelles des jeunes est profond. En réponse à cette problématique, des outils pédagogiques comme le violentomètre s’imposent comme des leviers de sensibilisation et de prévention.

Dans le cadre du projet RELIEEF, l’utilisation du violentomètre est mis en avant afin d’améliorer l’environnement d’apprentissage des jeunes filles et de prévenir les décrochages scolaires. Celle-ci permet de sensibiliser à l’identification des violences basées sur le genre, ainsi qu’à l’importance d’adopter un comportement non violent, afin de garantir à chaque fille un cadre d’apprentissage sûr et propice à son épanouissement.
Tous les professionnels de l’orientation et de l’insertion des centres de formation partenaires sont formés à l’utilisation du violentomètre. Ils animent régulièrement des espaces de parole et d’échanges, essentiels pour instaurer un climat de confiance, détecter les situations à risque et orienter les apprenantes concernées vers des dispositifs de soutien adaptés. Cette démarche s’inscrit dans une approche plus large de prise en compte du genre et de la sécurité affective dans les dispositifs de formation, au cœur des engagements du projet RELIEEF.

Un atelier a récemment été mené auprès d’un groupe de jeunes filles avec l’utilisation du violentomètre dans l’objectif de briser le silence, libérer la parole et renforcer les capacités de reconnaissance et de réaction face aux violences.

Contexte : des violences omniprésentes mais peu nommées

Les violences en milieu scolaire, en particulier celles liées au genre, ne se résument pas à des agressions visibles. Elles prennent aussi la forme de violences verbales, psychologiques, économiques ou symboliques qui, faute d’être identifiées comme telles, s’ancrent dans les pratiques quotidiennes et s’insinuent dans les rapports entre élèves, ou entre élèves et encadrants.

Selon une étude menée par UNICEF Congo en 2019, 75,4 % des filles et 71,8 % des garçons sont exposé.es à des violences verbales et psychologiques dans le cadre scolaire. Ces chiffres, alarmants, témoignent d’un climat d’apprentissage où le respect n’est pas garanti, et où le genre reste un facteur de vulnérabilité important.

Or, ces violences peuvent entraîner des conséquences dramatiques : perte d’estime de soi, désengagement, absentéisme, voire abandon scolaire pur et simple. D’où la nécessité de mettre en place des actions de sensibilisation et d’éducation dès le plus jeune âge.

Le violentomètre : un outil visuel et concret

Développé à l’origine pour aider les adolescentes, adolescents et les jeunes adultes à identifier les comportements violents dans leurs relations affectives, le violentomètre est une réglette colorée qui classe les attitudes et comportements selon trois niveaux :

  • Vert : relation saine et respectueuse
  • Orange : comportements à surveiller, ambigus ou intrusifs
  • Rouge : violence manifeste, danger, besoin de protection immédiate

Cet outil a l’avantage d’être intuitif, visuel, facilement appropriable, y compris par les jeunes en difficulté de verbalisation. Il permet de mettre des mots sur des ressentis, d’exprimer des situations vécues et d’en discuter sans jugement.

Impact terrain– CEFA des métiers ruraux à Dolisie : créer un espace sécurisé pour apprendre

Au CEFA MR (Centre d’Éducation, de Formation et d’Apprentissage des Métiers Ruraux), un atelier a récemment réuni une quinzaine de jeunes filles dans un cadre volontairement sécurisé, bienveillant et confidentiel. L’objectif principal : offrir un espace d’expression libre où chacune puisse se sentir écoutée, respectée, et valorisée.

Dès le début, des règles de vie ont été établies collectivement afin d’ancrer un climat de confiance : respect de la parole de l’autre, droit au silence, non-jugement.

L’atelier visait plusieurs objectifs :

  • Créer du lien et instaurer la confiance, à travers des activités d’introduction ludiques et participatives.
  • Identifier et comprendre les différentes formes de violences basées sur le genre, à l’aide d’outils visuels comme le violentomètre.
  • Renforcer les capacités d’analyse critique en confrontant les participantes à des situations concrètes, favorisant ainsi les échanges en petits groupes.
  • Déconstruire les idées reçues et ouvrir un dialogue en grand groupe sur les différents types de violence.
  • Informer et orienter, en mettant en lumière les dispositifs d’aide, de signalement et de soutien disponibles localement.

Quand la parole se libère : des révélations bouleversantes

Au fil des échanges, des voix se sont élevées pour raconter. Des vécus souvent tus ont trouvé un espace d’écoute. Parmi les témoignages recueillis :
“Je ne savais pas que si ton copain t’oblige à regarder des films X, c’est une forme de violence. Je pensais que je devais faire ça pour lui faire plaisir…”

“Il me disait que s’il me quittait, il se suiciderait… Je ne l’ai jamais raconté, mais aujourd’hui, je comprends que cette relation est toxique.”

Ces mots montrent à quel point l’information et l’éducation aux droits sont des enjeux cruciaux. Ce que l’on ne nomme pas, on ne peut pas le dénoncer. Et ce que l’on pense “normal” peut maintenir les jeunes dans des schémas destructeurs.

Éduquer à la prévention : un levier contre le décrochage scolaire

Au-delà de la seule prévention des violences, cet atelier a permis de créer un espace de conscience collective. Les jeunes filles présentes ont non seulement mieux identifié les signes de violences, mais ont également partagé leurs doutes, leurs peurs et parfois leur culpabilité.

La prévention des violences basées sur le genre est ainsi apparue comme un facteur déterminant pour améliorer la qualité d’apprentissage et peut avoir un impact sur les performances scolaires. Lorsque les élèves se sentent en sécurité, écoutées et respectées, leur capacité à s’engager dans les apprentissages augmente.

 Un engagement collectif, un enjeu systémique

Cet atelier a été imaginé et construit au HUB par notre Référent Genre Régional Dieuveil OKOUMA.  Il a été réalisé pour la première fois avec un public d’étudiantes à l’occasion de la Foire sociale organisée à Brazzaville. Sur la base de cette première expérience, la séance a été adaptée par l’équipe de Pointe-Noire pour être déployée dans un Centre de Formation Professionnelle. La session a été animée par Claudia, conseillère en orientation et insertion

Au-delà de cette action ponctuelle, c’est tout un système éducatif qu’il faut continuer à transformer, pour qu’il devienne un espace de protection, d’égalité et d’émancipation pour toutes et tous.

Et après ?

Améliorer l’environnement d’apprentissage pour prévenir les décrochages scolaires constitue un enjeu majeur du projet RELIEEF dans les quatre pays de mise en œuvre.
Cette première expérience d’utilisation du violentomètre en République du Congo ouvre des perspectives prometteuses pour les autres pays, non seulement dans une optique de réplication de la séance, mais également dans une démarche d’adaptation de l’outil à chaque contexte local. L’ambition est d’ancrer durablement l’usage du violentomètre dans les établissements scolaires, les espaces d’accueil et les BOE. Parce qu’éduquer à la relation saine, c’est construire une société plus juste dès l’école.