Agence française de Développement
Christophe Cottet
Directeur de l’agence en Tunisie
Votre collaboration avec l’IECD commence en 2020 au Libéria avec le lancement du projet STRIVE (Strengthening Integration through Vocational Education) dont l’objectif est de favoriser l’insertion socio-professionnelle des jeunes dans des secteurs porteurs de l’économie et de développer de nouvelles opportunités économiques, notamment en zone rurale, et se poursuit en Tunisie depuis septembre 2024 avec le projet Dispositif Nouvelle Chance. Comment décririez-vous l’approche, et la valeur ajoutée de l’IECD dans la mise en œuvre de ces initiatives de grande envergure ? Comment évaluez-vous la capacité d’innovation et l’ancrage local de l’IECD ?
J’ai eu la chance et l’opportunité de suivre les projets mis en œuvre par l’IECD tant au Libéria qu’en Tunisie. L’IECD partage avec l’AFD une vision à long terme des projets. Nous construisons ensemble des actions qui s’inscrivent dans des politiques publiques, ce qui permet une vraie cohérence et durabilité. Que ce soit au Libéria ou en Tunisie, deux contextes très différents, j’ai constaté cette capacité de l’IECD à adapter ses interventions tout en conservant cette approche stratégique et structurée. C’est cette complémentarité de vision et de méthode qui rend notre partenariat efficace.
À votre avis, quels sont les principales clés de réussite qui fonctionnent à la fois en Tunisie et au Libéria en matière de jeunesse et d’emploi ?
Deux éléments me paraissent essentiels : d’abord, l’orientation constante vers l’emploi, notamment via un dialogue actif avec les entreprises locales pour assurer l’adéquation des formations aux besoins réels. Ensuite, l’accompagnement global des jeunes, qui va bien au-delà de la formation technique : on travaille aussi sur les savoir-être, la posture professionnelle, les compétences de présentation, souvent négligées mais cruciales pour réussir son insertion.
Et ces deux clés de réussite sont autant présentes dans la manière d’accompagner les centres de formation au Libéria que dans celle de déployer les dispositifs Nouvelle Chance en Tunisie.
L’AFD s’engage dans ces pays sur des projets liés à l’employabilité et à l’entrepreneuriat. Quels différences, similitudes, enjeux et défis percevez-vous entre ces deux contextes en matière de développement ?
Le Libéria est marqué par une grande fragilité institutionnelle, alors que la Tunisie, bien que confrontée à des défis post-révolutionnaires, dispose d’un État plus structuré. Les modalités d’appui et d’intervention sont donc adaptées pour répondre aux attentes des gouvernements des deux pays. Malgré ces différences, les enjeux sont similaires : chômage des jeunes, besoin de formations adaptées au marché et décalage entre aspirations des jeunes et réalités économiques. Dans les deux pays, les jeunes veulent s’éloigner des métiers traditionnels exercés par leurs familles, notamment agricoles, et aspirent à de nouvelles opportunités, souvent dans le numérique ou les services. C’est là où des organisations comme l’IECD savent adapter leurs réponses à ces attentes tout en tenant compte des réalités locales pour créer des modèles de réussite.
À L’heure où l’aide publique au développement est remise en question, comment voyez-vous l’avenir pour le développement international, et notamment en Afrique ? Comment voyez-vous l’évolution du rôle des organisations de la société civile comme l’IECD dans le développement économique des pays ? Quels conseils auriez-vous ?
Nous sommes effectivement dans une période où l’aide publique est questionnée, tant dans les pays donateurs que bénéficiaires. Il y a des débats de fond sur sa légitimité, son efficacité, et son alignement avec la souveraineté des États du Sud. Dans ce contexte, les organisations de la société civile comme l’IECD ont un rôle clé à jouer, à condition qu’elles démontrent leur valeur ajoutée : expertise technique, efficacité de mise en œuvre, qualité des résultats, bonne utilisation des fonds. Ce sont ces garanties qui permettent de défendre l’utilité et la pertinence de l’aide.
Mais au-delà de ces considérations, nous observons une évolution significative du paradigme de la coopération internationale. On passe progressivement d’une logique d’aide publique au développement souvent perçue comme une forme d’assistance qui n’est plus souhaitée ni au nord ni au sud, à celle d’Investissement Solidaire et Durable. Cette nouvelle approche n’est pas incompatible avec l’idée d’une solidarité à l’échelle internationale entre des pays dont les niveaux de revenu sont différents. Elle repose cependant avant tout sur la notion de partenariat (plus que d’aide), d’intérêts partagés mais aussi d’efficacité.
Le mot de la fin ?
Je voudrais saluer la qualité de la collaboration entre l’IECD et l’AFD, mais plus particulièrement encore l’engagement des équipes de l’’IECD. Un projet de développement, ce n’est jamais un chemin tout tracé, et il faut être prêt à des rebondissements et des ajustements. Malgré l’intérêt de la mission, ce n’est pas si simple et chacun sait la force et la volonté nécessaire pour surmonter les obstacles. C’est l’une des forces de l’IECD de savoir maintenir la flamme et un haut niveau d’exigence. Merci !